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Mémoires d'un voyageur chinois du 13e siècle

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Mémoires sur les coutumes du Cambodge de Tcheou Ta-kouan, éditions Maisonneuve

La seule description d'Angkor au temps de sa splendeur est celle des Mémoires sur les coutumes du Cambodge dus à Tcheou Ta-kouan. En août 1296, Tcheou Ta-kouan, qui accompagne un ambassadeur de l'empereur de Chine, arrive à Angkor après avoir remonté le Mekong et traversé le lac du Tonle Sap. Il passera un an dans les murs d'Angkor Thom, rencontrant les commerçants et matelots chinois qui y vivent. 

En cette fin du 13e siècle, Jayavarman VII, le Roi-Soleil du grand Empire khmer ne règne plus mais la cour royale vit toujours dans le même faste. Subjugué par la richesse du Royaume, Tcheou Ta-kouan observe également avec curiosité les coutumes du peuple khmer. De retour en Chine, il rédigea son ouvrage. L'original a été perdu mais il avait été partiellement recopié dans des annales chinoises de 1380. 

Même si le texte des Mémoires, tel que nous l'avons, n'est pas complet, il fournit un témoignage unique sur le Cambodge encore en pleine prospérité. En voici quelques extraits, tirés des Mémoires sur les coutumes du Cambodge de Tcheou Ta-kouan publiés en 1951 aux éditions Maisonneuve:


Angkor Thom


"Les parapets des ponts sont entièrement en pierre, taillée en forme de serpents qui ont tous neuf têtes. Les cinquante-quatre divinités retiennent toutes le serpent avec leurs mains, et ont l'air de l'empêcher de fuir. Au dessus de chaque porte de la muraille, il y a cinq grandes têtes de Bouddha en pierre, dont les visages sont tournés vers les quatre points cardinaux: au centre est placée une des cinq têtes qui est ornée d'or. (...) Au centre du royaume, il y a une Tour d'or, flanquée de plus de vingt tours de pierre et de plusieurs centaines de chambres de pierre. Du côté de l'Est est un pont d'or; deux lions d'or sont disposés à gauche et à droite du pont; huit Buddhas d'or sont disposés au bas des chambres de pierre."

La tour d'or du palais et l'âme du serpent à neuf têtes


"J'ai entendu dire qu'à l'intérieur du palais, il y avait beaucoup d'endroits merveilleux; mais les défenses sont très sévères, et il est impossible d'y pénétrer. Dans le palais, il y a une tour d'or au sommet de laquelle couche le roi. Tous les indigènes prétendent que dans la tour il y a l'âme d'un serpent à neuf têtes, maître du sol de tout le royaume. Il apparaît toutes les nuits sous la forme d'une femme. C'est avec lui que le souverain couche d'abord et s'unit. Même les premières femmes du roi n'oseraient entrer. Il sort à la deuxième veille et peut alors dormir avec ses femmes et ses concubines. Si, une nuit, l'âme de ce serpent n'apparaît pas, c'est que le moment de la mort du roi est venu."

La cuisine


"Les gens de classe moyenne ont une maison, mais sans table, banc, bassine ou seau. Pour cuire le riz, ils se servent seulement d'une marmite de terre; pour préparer la sauce, ils emploient une poêle de terre pour préparer la sauce  Ils enterrent trois pierres pour faire le foyer, et se servent d'une coquille de noix de coco comme louche. (...) Pour la sauce, ils se servent de feuilles d'arbre dont ils font une petite tasse qui, bien que pleine de jus, n'en laisse pas couler."

Les bains


"Le pays est terriblement chaud et on ne saurait passer un jour sans se baigner plusieurs fois.
Même la nuit, on ne peut manquer de le faire une ou deux fois. (...) Tous les trois ou quatre, cinq ou six jours, les femmes de la ville, par groupe de trois, de cinq, vont se baigner hors de la ville dans le fleuve. Arrivées au bord du fleuve, elles ôtent la pièce de toile qui entoure leur corps et entrent dans l'eau."

Les esclaves


"Comme serviteurs, on achète des sauvages qui font ce service. Ceux qui en ont beaucoup en ont plus de cent; ceux qui en ont peu en ont de dix à vingt; seuls les très pauvres n'en ont pas du tout. (...) Si des esclaves s'enfuient, en les reprenant, on les marque en bleu au visage. Parfois on leur met un anneau de fer au cou pour les retenir; d'autres ont de ces anneaux au bras ou aux jambes."

L'écriture


"Les écrits ordinaires tout comme les textes officiels s'écrivent sur des peaux de cerfs, daims et autres teintes en noir. Suivant leurs dimensions en haut et en large, chacun les coupe à sa fantaisie. Ils se servent d'une poudre ressemblant à la terre blanche de Chine, et la moulent en bâtonnets."

Le commerce


"Dans ce pays, ce sont les femmes qui s'entendent au commerce. Ainsi un Chinois qui, en arrivant là-bas, prend femme, profite-t-il en plus de ses aptitudes commerciales. Ils n'ont pas de boutiques permanentes, mais se servent d'une espèce de natte qu'ils étalent par terre."

Les immigrés chinois


"Les chinois qui font métier de marins profite de ce qu'ils sont dans ce pays pour ne pas mettre de vêtements. Le riz est facile à gagner, les femmes faciles à trouver, les maisons faciles à aménager, le mobilier facile à se procurer, le commerce facile à diriger. Aussi y en a-t-il constamment qui se dirigent vers ce pays."