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Les apsaras et l'art sacré de la danse

Selon la mythologie, les apsaras, littéralement « celles qui glissent sur l’eau » en sanskrit, sont des créatures divines sorties des flots lors du barattage de la mer de lait par les dieux, Deva, et les démons, Asura. Elles sont d'une grande beauté et possèdent une voix envoûtante; elles sont expertes en musique et excellent dans l'art de la danse. Indra, roi des dieux et souverain des cieux, appréciait leur compagnie et certaines d'entre elles étaient ses favorites. Quand un sage acquérait trop de pouvoirs sur terre par l'ascèse, Indra envoyait une apsara pour le tenter et lui faire perdre ainsi ses pouvoirs. Les apsaras les plus connues sont Urvasi, Rambha, reine des apsaras, et Tilottama.


Urvasi, apsara légendaire


Urvasi ou Urvashi est la plus connue des apsaras. Parmi les nombreuses légendes concernant sa naissance, voici la plus répandue: le roi des dieux, Indra, ne voulait pas que les sages Narayana et Nara acquièrent des pouvoirs divins grâce à la méditation; aussi, il envoya deux apsaras pour les distraire. Mais Narayana, afin de montrer sa détermination, frappa sur sa cuisse pour en faire jaillir une nymphe d'une beauté sans égal. Cette créature fut nommée Urvasi, "Ur" signifiant "cuisse" en sanskrit. Selon le poète indien Ramdhari, Urvasi incarne la beauté féminine capable de susciter le désir absolu chez les hommes.


Rambha, reine des apsaras


Rambha était la reine des apsaras, inégalée dans l'art de la musique, de la danse et de l'amour. Elle était ainsi souvent appelée par le roi des dieux, Indra, pour distraire et briser l'ascèse des sages qui acquéraient trop de pouvoirs dans le monde terrestre et menaçaient ainsi l'ordre des trois mondes. La légende raconte qu'elle fût un jour envoyée pour tenter de séduire Vishwamitra, un sage très puissant, qui se mit en colère et la changea en pierre pour des milliers d'années.

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Apsara Rambha à Angkor Vat
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Tilottama et les démons


Tilottama a été créée par Vishvakarma à la demande de Brahmâ pour détruire les démons Sunda et Upasunda, deux frères qui voulaient dominer le monde et semaient la terreur. Pour lui donner naissance, Vishvakarma rassembla avec soin tout ce qu'il put trouver de plus beau dans les trois mondes, êtres vivants ou objets inanimés. Son corps était d'une beauté parfaite et le regard ne pouvait s'en détacher. Quand Tilottama apparut aux deux frères, tous deux devinrent fous de désir: Sunda la saisit par sa main droite, Upasunda par sa main gauche. Aveuglés par leur passion, ils saisirent leur massue et s'entretuèrent.

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Sunda et Upasunda se disputant Tilottama.
Cambodge, Fronton de la porte ouest du Banteay Srei, vers 967.
Grès. Musée Guimet, Paris.


Les apsaras et l'art sacré de la danse

Au Cambodge, l’art de la danse est intimement lié à la longue histoire du pays. Il semble que les arts de la cour des rois d'Angkor trouvent leur origine au début du 9ème siècle sous Jayavarman II, qui introduisit maintes traditions musicales et chorégraphiques liées au culte civaïque du roi-dieu. Selon la légende, ce roi était le fils d'Indra, qui vint sur terre pour le couronnement de son fils et lui offrit, outre le royaume du Cambodge et les attributs de la royauté, les apsaras, danseuses célestes, pour qu'elles livrent aux Khmers les secrets de la chorégraphie. 

L’art sacré des danseuses apsara s'est épanoui durant des siècles à la cour des rois khmers, immortalisé dans les bas-reliefs des temples. Ces danses constituent un langage symbolique, message adressé par le roi, incarnation de Shiva sur la Terre, aux Dieux et aux ancêtres. Les apsaras dansaient ainsi pour la prospérité du peuple khmer.

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Danse d'apsaras, bas-relief du temple Bayon
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Après avoir avoir failli disparaître sous le régime des khmers rouges, la danse classique khmère renaît aujourd’hui grâce à certaines personnes qui ont pu perpétuer cette tradition:
« Lorsque j’avais neuf ans, ma grand-mère m’a conduit au Palais pour me présenter à la Reine et je suis devenue l’une des danseuses du Ballet royal du Cambodge ! » se souvient Sam Sathya, professeur à l’école des Beaux Arts de Phnom Penh. « Durant le régime Khmer rouge, alors que j’étais forcée de travailler dans les rizières, je continuais à répéter, en cachette, les mouvements des chorégraphies. C’est la danse qui m’a sauvée car j’espèrais, plus que tout, la voir revivre et je ne voulais pas disparaître avec elle ».

Véritable héritage national au Cambodge, la danse classique khmère bénéficie aujourd'hui d'une reconnaissance internationale et a été classée patrimoine culturel de l'humanité par l'UNESCO en 2008.
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