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Jayavarman VII, le roi constructeur

Jayavarman VII, dont le règne débuta en 1181, fût le dernier grand roi de l'Empire khmer. Suite à la prise d'Angkor par les Chams en 1177, Jayavarman VII restaura la puissance de l'Empire khmer, chassant l'ennemi lors d'une bataille sur le lieu de laquelle il fera construire plus tard le temple Preah Khan. Son armée s'empara ensuite de la capitale du royaume cham, qui se trouva réduit en 1203 à l'état de province khmère. Son empire couvrait alors outre l'actuel Cambodge, le sud du Laos et le nord de la Thaïlande. Angkor est alors une ville dont l'échelle est comparable à une mégalopole contemporaine, dans laquelle vivent 750000 habitants. Les temples étaient reliés entre eux par des routes et des canaux, irriguant un tissu urbain constitué d'habitations construites en bois.

Jayavarman VII célébra ses succès militaires en construisant une nouvelle capitale, la célèbre Angkor Thom, et en initiant une politique de constructions d'une ampleur encore jamais atteinte, qui donnera naissance aux temples du Bayon et du Ta Prohm, sans oublier les terrasses des éléphants et du roi lépreux. Il fera ériger autant de temples que l'ensemble des souverains l'ayant précédé. Cette campagne de construction sans précédent bouleversera le mode de vie à Angkor, monopolisant une grande partie de la population. Traumatisé par la destruction d'Angkor, Jayavarman VII s'efforcera de renfocer la puissance religieuse de sa ville pour que les dieux la protègent mieux, hissant le bouddhisme Mahāyāna au rang de religion d'État.

Le temple du Bayon


Son temple d'État était l'imposant Bayon, dédié à Bouddha, situé à l'intersection des routes Nord-Sud et Est-Ouest au centre d'Angkor Thom. Construit en grès et en latérite, il est le dernier des "temples-montagnes" bâti à Angkor. Il se compose de trois étages et de trois enceintes successives, occupant une superficie de 144 mètres sur 228, pour une hauteur de 42 mètres. Caractéristique de l'architecture khmère du 12e siècle, il est constitué de tours et de pavillons reliés entre eux par des galeries.


Le Bayon est surtout célèbre pour ses 54 tours toutes ornées de quatre visages, symbolisant les quatre vertus de Bouddha. Selon une autre hypothèse, ces visages seraient celui de Jayavarman VII regardant la plaine et son empire dans toutes les directions. Ces tours constituent l'innovation majeure du style du Bayon, dont le temple est un des exemples les plus aboutis. Sa décoration est d'une exceptionnelle richesse et marque l'apogée de l'art bouddhique "mahāyāna". Les murs des galeries du premier étage sont ainsi ornées de bas-reliefs finement sculptés, représentant notamment de nombreuses scènes de la vie quotidienne des Khmers au 12e siècle.


Le temple Ta prohm


Jayavarman VII fit également construire le temple Ta prohm, monastère et université bouddhique Mahāyāna, pour que sa mère puisse s'y retirer avec son gourou. Situé un kilomètre à l'est d'Angkor Thom sur le bord sud du baray oriental, le Ta Prohm est entouré par une enceinte de 1000 m sur 700 m dont les portes, situées aux quatre points cardinaux, sont également ornées d'une tour à quatre visages. Cinq enceintes successives constituent le plan général du site. Une inscription révèle que 12640 personnes servaient dans ce seul temple et que plus de 60000 fermiers produisaient plus de 2500 tonnes de riz annuelles pour les nourrir, ce qui donne une idée de la taille extraordinaire pour l'époque de la capitale de l'Empire khmer alors à son apogée.

À la différence de la plupart des autres monuments d'Angkor, le Ta Prohm a été laissé dans un état proche de sa redécouverte au début du 20ème siècle, ayant été choisi par l'École française d'Extrême-Orient comme "concession au goût général pour le pittoresque" selon Maurice Glaize. Malgré tout, d'importants travaux ont été nécessaires pour en stabiliser les ruines et en permettre l'accès. Le Ta Prohm est ainsi envahi par de grands arbres au tronc blanc argenté, appelés fromagers, dont les longues racines ondoyantes déforment l'architecture, s'agrippent et se répandent sur les murs et le sol.

Les terrasses des éléphants et du roi lépreux


On doit également à Jayavarman VII les terrasses des éléphants et du roi lépreux, qui dominaient la grande place centrale d'Angkor Thom. Le soubassement de la première est orné de bas-reliefs représentant des éléphants et leurs cornacs dans des scènes de chasse, ainsi que des garudas et des lions. La seconde doit son nom à une statue du 15ème siècle, dont l'original est conservé au Musée national du Cambodge à Phnom Penh, mais qui représenterait en réalité Yama, le dieu de la mort dans l'hindouisme.

La magnificence de cette capitale était telle qu'aucun des successeurs de Jayavarman VII ne jugea bon de la remplacer ou d'ajouter le moindre grand monument à l'ensemble existant, dont l'émissaire chinois Tcheou Ta Kouan faisait cette description à la fin du 13ème siècle:
" Les parapets des ponts sont entièrement en pierre, taillée en forme de serpents qui ont tous neuf têtes. Les cinquante-quatre divinités retiennent toutes le serpent avec leurs mains, et ont l'air de l'empêcher de fuir. Au dessus de chaque porte de la muraille, il y a cinq grandes têtes de Bouddha en pierre, dont les visages sont tournés vers les quatre points cardinaux: au centre est placée une des cinq têtes qui est ornée d'or. (...) Au centre du royaume, il y a une Tour d'or (Bayon), flanquée de plus de vingt tours de pierre et de plusieurs centaines de chambres de pierre. Du côté de l'Est est un pont d'or; deux lions d'or sont disposés à gauche et à droite du pont; huit Buddhas d'or sont disposés au bas des chambres de pierre."

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La terrasse des éléphants, escalier.
Albums photo des temples d'Angkor

De tous les rois de l'Empire khmer, Jayavarman VII restera dans l'histoire celui qui a le plus construit. Sa mort en 1218 marquera le début du déclin de l'Empire khmer, pris en étau entre les royaumes Champa et Siam.