Krama khmer blog: menu

Le déclin et la chute de l'Empire khmer

En 1219, à la mort de Jayavarman VII, son fils Indravarman II lui succède. Son règne sera moins glorieux et marquera le début du déclin de l'empire khmer. Dès 1220, il doit ainsi restituer la majorité des territoires précédemment conquis au royaume Champa, tandis qu'à l’ouest les thaïs se rebellent et fondent le royaume de Sukhothaï dont ils chassent les Khmers. Son règne prend fin en 1243 et Jayavarman VIII monte sur le trône. 

Adepte de Shiva, Jayavarman VIII impose un retour à l’ancienne religion de l’empire, convertissant de nombreux temples bouddhistes en sanctuaires hindouistes. En 1283menacé par les armées mongoles, il accepte le paiement d’un tribut annuel pour éviter la guerre. Son gendre Indravarman III lui succède en 1295, mais il existe peu de données sur la période de son règne.

Inondations, sécheresse et peste noire 


La dernière inscription connue de cette période date de 1327. Plus aucune construction monumentale n'a été entreprise par la suite, tandis que les récoltes semblent avoir été perturbées par des déréglements climatiques. Des études scientifiques montrent que la région a d'abord connu une période de  sécheresse, impactant l'agriculture, suivie d'une période marquée par des précipitations anormalement élevées et des inondations catastrophiques, dont les conséquences seront encore plus importantes, endommageant gravement les infrastructures hydrauliques. Ces événements climatiques sont une des principales cause du déclin de l’empire, dont la prospérité et la puissance reposaient sur la maîtrise de l'irrigation, permettant des récoltes abondantes

La peste noire est une autre cause probable de ce déclin. L’épidémie, apparue en Chine dans les années 1330, touche l’ensemble des voies de communications, dont les ports d'Asie du sud-est, avant d'atteindre l’Europe vers 1345, où elle décimera entre 30 et 50% de la population en quelques années. Si les chercheurs ne disposent pas de données chiffrées sur la mortalité des populations khmères durant cette période, les ravages de l'épidémie en Europe donnent une idée de son impact possible dans le déclin de l'empire. 

Une hypothèse plus récente attribue la chute de l’empire khmer à un désastre écologique causé par la déforestation du Phnom Kulen, entreprise pour cultiver la terre et nourrir une population en augmentation constanteLa déforestation entraîna l’érosion des sols, emportés par les eaux de pluie, obstruant les canaux et mettant à mal le système hydraulique essentiel à la prospérité de l'empire. La mauvaise irrigation entraîna à son tour un manque d'eau, entrecoupé d’inondations que les digues en mauvais état ne parvenaient plus à contenir.

L'abandon d'Angkor: un déplacement périlleux


Dans la seconde moitié du 13e siècle, l'Empire khmer, souffrant de mauvaises récoltes et de divisions internes, est affaibli. À l’ouest, le Royaume d'Ayutthaya, après avoir conquis celui de Sukhothaï en 1350, profite de ces faiblesses pour attaquer l’empire khmer, soumettant Angkor et mettant le pays sous tutelle avant de retirer son armée. Ensuite, princes siamois et khmers se disputent le trône du royaume et s'y succèdent à la faveur des guerres. En 1431, Angkor est abandonnée par les rois khmers qui s'installent plus au sud, dans un premier temps à Lovek, puis à Oudong, à une quarantaine de kilomètres au nord de l’actuelle Phnom Penh. 

Ce déplacement est probablement lié à la conquête siamoise de l’isthme de Kra, au nord de la péninsule Malaise, qui était alors une importante zone de commerce entre l’Inde et la Chine, où l'Empire khmer pouvait également vendre ses produits. La perte de cette zone stratégique a sûrement poussé les rois khmers à se rapprocher des bassins du Mekong et du Bassac, plus éloignés des envahisseurs siamois et bénéficiant du passage des navires commerciaux. Mais ce déplacement n'était pas sans dangers. Si l'eau et l'irrigation étaient parfaitement maîtrisées à Angkor près du lac Tonle Sap, l’est du royaume était à l'inverse soumis aux caprices du Mekong, faisant subir aux récoltes inondations ou sécheresses.


lovek-cambodge-1667
Vue de Lovek en 1667

Une embellie avant la chute finale


Au milieu du 16e siècle, si la capitale politique et administrative de l'Empire demeurent à Lovek, le roi Ang Chan fait revivre les fastes de la royauté à Angkor, comme le relate le chroniqueur portugais Diego de Couto en 1550: 
"Comme le roi du Cambodge allait à la chasse aux éléphants dans des forêts les plus épaisses qui existent dans tout ce royaume, ses gens en battant la brousse donnèrent sur des constructions imposantes envahies à l'intérieur par une brousse exubérante (...) Après que le tout eut été soigneusement nettoyé, le roi pénétra à l'intérieur et fut frappé d'admiration. Il décida sur le champ d'y transporter sa cour."

Son fils, le roi Barom Reachea Ier, profitera des difficultés siamoises et de la mise à sac d'Ayutthaya par les birmans en 1569 pour ramener la capitale à Angkor, mais l'embellie sera de courte durée. Le danger birman écarté, le Siam envahit l’ouest de l’empire khmer, dont la chute définitive survient avec la prise et la destruction de Lovek en 1594. La population est déportée tandis que les trésors de la ville, censés avoir été offerts par les dieux afin de protéger le royaume, sont pillés.