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Prey Lang, la forêt menacée des Kuy

Située entre le Mékong et le Stung Sen, la forêt cambodgienne de Prey Lang est la plus grande forêt des basses-terres d'Asie du Sud-Est, avec une superficie d'environ 3600 km². Cette forêt tropicale humide abrite une très riche biodoversité, dont près de cinquante espèces menacées: tigres, éléphants et ours noirs d'Asie... La moitié de la forêt de Prey Lang est primaire et n'a jamais été exploitée pour son bois. Elle est également une réserve d'eau essentielle pour la région rizicole du Cambodge.

Elle est aujourd'hui menacée par l’exploitation forestière illégale et l’exploitation minière, différents projets de plantations agro-industrielles et de barrages hydroélectriques. Sa destruction est rapide et il ne reste que 25 % de la seule forêt vierge du pays d’après les chiffres du collectif de conservation des ressources naturelles du Cambodge.

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La lutte des Kuy pour sauver Prey lang


Prey Lang abrite 200 000 personnes et 700 000 personnes au total vivent en marge de cette forêt. Une grande partie de ces habitants appartient au groupe ethnique des Kuy, qui vit en harmonie avec cette forêt depuis des centaines d'années... et dépend de ses ressources de pour vivre. Ros Lach, chef du réseau des indigènes Kuy, explique que la forêt fait partie de leur histoire. « Nous avons vécu dans cette forêt pendant de nombreuses années et ne l’avons jamais détruite. Nos parents et grands-parents l’ont conservée intacte, comme un symbole de notre esprit (...) La forêt nous donne apporte tant de choses; mais maintenant, nous sommes très inquiets pour son avenir. »

La population locale, rassemblant 300 communautés, se bat pour sauver Prey Lang et entreprend des actions contre les bûcherons illégaux. Le réseau "Prey Lang network" organise des patrouilles forestières avec pour objectif de mettre un terme à l'exploitation illicite du bois. Depuis 2010, de nombreux outils et machines utilisés pour couper les arbres ont ainsi été saisies dans la forêt et ses alentours avant d'être détruits. Les patrouilles et les villageois brûlent également le bois coupé qu'ils découvrent dans la forêt.

Après des manifestations à grande échelle et le meurtre en 2012 de l'activiste pour la protection des forêts Chut Wutty, le Premier ministre cambodgien Hun Sen a annoncé la suspension de toute nouvelle concession et a signé un amendement visant à protéger 480 000 hectares de forêt. Cette décision a été applaudie, mais les activistes de Prey Lang demeurent sceptiques: ils attendent encore que le gouvernement rende publique la nouvelle carte et les projets de plantations de caoutchouc dans la forêt approuvés par les Premiers Ministres au Cambodge et du Vietnam en 2011 n’ont pas été abandonnés.


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Une déforestation rapide et généralisée


Avant même le moratoire sur les nouvelles concessions, l'association cambodgienne de défense des droits de l'homme Adhoc avait découvert que deux millions d'hectares du Cambodge, soit plus de 10 % du territoire terrestre du pays, avait été cédés, via des concessions économiques, à des grands groupes en vue de leur exploitation, notamment forestière, minière et agricole. Au total, depuis 1990, le Cambodge a perdu un quart de ses forêts et on estime que 1,4 millions d’hectares de forêt ont été abattus au cours des vingt dernières années, à cause de coupes illicites, du ramassage de charbon et de petit bois à brûler et du défrichage pour l’agriculture. Et la situation continue de se dégrader: le Cambodge détient ainsi en 2015 le record mondial de la déforestation la plus rapide de ces dernières années, selon une étude de Global Forest Watch, la plate-forme en ligne initiée par le World Resources Institute. Ces processus de déforestation constituent une menace importante pour la survie de nombreuses minorités ethniques du Cambodge.

A lire aussi sur la déforestation au Cambodge notre article consacré au Ratanakiri.