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Le groupe de Roluos: les plus anciens temples d’Angkor

Au début du 9e siècle, Jayavarman II unifia les différents états khmers en un seul empire appelé Kambuja, l'Empire Khmer, dont il établit d'abord la capitale à Hariharalaya sur le site de Roluos, avant de la déplacer sur le plateau du phnom Kulen... pour finalement revenir à Hariharalaya. Après sa mort vers 855, Jayavarman III, son fils, puis Indravarman Ier, consolideront l'Empire et feront édifier à Hariharalaya le Preah Ko, temple à la mémoire des ancêtres royaux, puis le temple d'état du Bakong. Avec le Lolei, édifié autour de 1890 par Yaçovarman 1er, ces temples, les plus anciens du site d'Angkor, forment le groupe de Roluos.

Preah Kô, le taureau sacré


Érigé en 879 par Indravarman Ier en l’honneur de ses ancêtres, le Preah Kô est l’un des plus anciens temples khmers, le premier construit dans la région d'Angkor. Il doit son nom aux trois statues de "Nandin", les taureaux sacrés, faisant face aux sanctuaires. De plan rectangulaire, ce temple compte six tours de briques, autrefois couvertes d'enduit décoré, organisées en deux rangées sur une même terrasse. 

Les tours, de proportions inégales, sont dédiées aux précédents rois khmers et à leurs reines, tous divinisés. A l'est, les trois grandes tours sont dédiées aux divinités masculines, dont la plus imposante, au centre, à Jayavarman II, fondateur de l'Empire, tandis que les trois autres, à l'ouest, sont dédiées aux divinités féminines. Dans les tours orientales, des niches abritent des gardiens, les dvârapâla, remplacés par des personnages féminins, les devatâ, dans les tours occidentales. 

Seuls les linteaux de grès qui surmontent les portes des tours, en pierre par nécessité architecturale, comportent des bas-reliefs encore visibles. d’une finesse remarquable. Les techniques de construction évolueront avec les temples du Bakong et du Lolei, où les encadrements de portes seront sculptés dans un seul bloc de grès. Mais le Bakong allait amener une autre innovation, déterminante...

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Le Preah Koh, groupe de Roluos

Le Bakong, premier temple-montagne


Construit en 881 et dédié à Shiva, le Bakong était le temple d'état Indravarman I et constituait le principal lieu de culte de la cité, situé en son centre. Le temple était totalement détruit lorsqu’il fût dégagé en 1936, contrairement aux autres temples d'Angkor, partiellement en ruines mais encore debout. Ici, 
on ignorait tout de ce temple disparu qui ne formait plus qu’un amas de blocs de pierres disséminés. Il se révélera d'une importance capitale, maillon essentiel dans la genèse de l'architecture khmère.

Il apparaît en effet comme un prototype du temple-montagne caractéristique de la civilisation khmère et de son héritage religieux et architectural indien. Pour les Khmers, le temple-montagne symbolisait le mont Meru, représentant dans la mythologie hindoue le centre de l'univers, une montagne sacrée sur laquelle demeurent les dieux. Le Bakong prend ainsi la forme d'une pyramide à cinq degrés sur une base carrée de 65 mètres de côté, entourée de huit tours en brique, symbolisant les huit corps de Shiva.

Le sanctuaire central primitif couronnant la pyramide a disparu, remplacé au 12e siècle par une tour dans le style d'Angkor Vat. Le gradin supérieur de la pyramide avait son mur de soutènement orné de bas-reliefs sur les quatre côtés, dont il ne reste aujourd’hui qu'une petite partie au sud. Le temple est entouré de douves et de trois murs d'enceinte, dont la plus grande mesure 900 mètres sur 700. Ce premier temple-montagne construit en grès influencera les développements ultérieurs de l'architecture khmère.


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Vue aérienne des enceintes du Bakong

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Plan du Bakong

Lolei, le temple sur une île


L'agriculture ne parvenant plus à nourrir une population grandissante, Indravarman Ier creuse un immense lac artificiel, l’Indratataka, rouage essentiel d'un immense et complexe système d'irrigation, dont l'enjeu est de dompter un climat extrême marqué par une saison sèche de 6 mois et une saison des pluies concentrant 90% des précipitations annuelles. A la mort d'Indravarman I en 889, son fils Yasovarman Ier lui succède et fait édifier en la mémoire de son père le temple du Lolei sur une île au centre de l'Indratataka.

Aujourd’hui, il ne subsiste de ce temple que quatre tours de brique, dont les plus grandes, surmontées de quatre faux étages, sont situées à l’Est. Elles furent édifiées sur un soubassement qui se trouve aujourd'hui au-dessous du niveau du sol. Leur implantation laisse supposer que le projet devait initialement en compter six, comme à Preah Kô, avec lequel Lolei partage d'autres similitudes: dvârapâlas et devatas protégeant les portes des tours, dont les piédroits portent également des inscriptions. Effectuées dans une belle calligraphie, elles fournissent de précieuses indications sur l'édification du temple. Le site a également été profondément remanié par les bonzes qui s'y sont installés depuis plusieurs siècles, notamment l’agencement des deux terrasses en gradin sur lequel repose l’édifice.