Située à environ 300 km au nord-ouest de Phnom Penh, Siem Reap est la capitale de la Province du même nom. Cette ville compte plus de 175000 habitants contre plus de 900000 pour l’ensemble de la province. Concentrant de nombreux vestiges de l'empire khmer, cette province est surtout connue pour le complexe archéologique d’Angkor. Mais on aurait tort de la réduire aux seuls temples khmers, aussi majestueux soient-ils. Le Tonle Sap, ses forêts inondées, ses villages de pêcheurs dont Kompong Phluk est le plus célèbre, la réserve ornithologique de Prek Toal... offrent d’autres aspects plus authentiques à découvrir, loin du tourisme de masse qui pèse lourdement sur la ville et les temples.
Car Siem Reap est devenue une destination touristique internationale et très populaire, emportée depuis les années 2000 dans un développement rapide et anarchique qui a défiguré la ville et ses alentours, envahis par un grand nombre d’hôtels et de constructions sans âme. Seule la vieille ville a conservé un certain charme par son architecture mêlant styles chinois et colonial, notamment dans le quartier français et autour de l’ancien marché… sans échapper cependant aux flots de touristes qui peuvent parfois rendre difficile à apprécier la ville et les temples.
Le nom de Siem Reap, littéralement «défaite siamoise», se réfère au conflit séculaire entre les empires siamois et khmer. Plus précisément, ce nom fait référence à la bataille victorieuse de 1549 au cours de laquelle le roi khmer Ang Chan tua le prince siamois Ong, capturant également 10000 guerriers de l'armée siamoise. La région avait été envahie un an plus tôt par le roi de Siam Maha Chakrapat qui la reperdit lors de cette contre-offrensive militaire. Par la suite, de la fin du seizième au dix-neuvième siècle, les querelles internes ont affaibli l’empire khmer et entraîné la domination des voisins plus puissants, le Champa et le Siam.
A l’arrivée des Français à la fin du dix-neuvième siècle, Siem Reap ressemble plus à un village qu’à une ville. En 1901, l’École française d’Extrême-Orient entreprend les premiers travaux de restauration du temple du Bayon, avant de recevoir la responsabilité du site d’Angkor en 1907, quand la province de Siem Reap, sous contrôle siamois depuis plus d’un siècle, est rétrocédée au Cambodge.
Cependant, considérer qu’Angkor a été "sauvé" de la jungle est un point de vue qu’il faut nuancer, comme le mythe de sa découverte par l’occident, largement instrumentalisé dans le contexte d’expansion coloniale du 19e siècle. En effet, Angkor Vat était largement connu des khmers et était resté un haut-lieu de pèlerinage bouddhique. Le récit de la "découverte" d’Angkor en 1860 par le naturaliste Henri Mouhot au bout de son coupe-coupe alors qu’il était à la recherche de scarabée a du faire rire les habitants du village voisin de Siem Reap et relève davantage de la fiction que d'une quelconque réalité historique. Les photographies d'Angkor d'Emile Gsell en 1866 ne montrent pas Angkor Vat émergeant d'une jungle épaisse, les chaussées d'accès sont dégagées et on peut également apercevoir des cabanes qui attestent de l'occupation du site.
Dès le début du 19e siècle, les touristes arrivent à Angkor et le Grand Hôtel d’Angkor ouvre ses portes en 1929. Les images et récits sur ces temples pris dans la jungle fascinent les occidentaux. En 1931, «l’Angkormania» domine l’exposition universelle de Paris en 1931, à travers notamment une reconstitution du temple d’Angkor Vat qui attire une foule avide d’exotisme. Les temples d’Angkor deviennent et resteront une des principales destinations touristiques en Asie jusqu’à la fin des années 1960.
En 1975, les Khmers rouges arrivent au pouvoir et la population de Siem Reap, comme celle des autres villes du Cambodge, est totalement évacuée, déportée dans les campagnes. Après quatre années de pouvoir, les Khmers Rouges laissent en 1979 un pays dévasté. Mais ce ne sera pas pour autant la fin du cauchemar pour les Cambodgiens. Jusqu’au début des années 90, l’histoire de la région et du Cambodge reste troublée par les guerres et les conflits.
Siem Reap se réveille lentement dans les années 90 et les touristes reviennent progressivement: dès 1992, 40000 étrangers visitent Angkor; en 1996, ce chiffre avoisine 150000, soit environ 60% des 250000 entrées enregistrées par les services d’immigration cambodgiens. Dans un Cambodge ruiné, le tourisme apparaît comme un vecteur de profits faciles et rapides à court terme. Avec une stabilité retrouvée, les capitaux, surtout étrangers, affluent à Siem Reap, ville jouxtant le complexe archéologique.
Ces investissements précipiteront la ville dans un développement touristique sans précédent, illustré par des chiffres qui donnent le vertige. Le nombre de chambres de Siem Reap est décuplé entre 1996 et 2005, passant d’environ 700 à plus de 8000, et la ville dispose aujourd’hui de plus de 320 hôtels, parfois gigantesques, et maisons d’hôte pour accueillir des flots de touristes toujours plus importants.
Siem Reap, principale attraction touristique du Cambodge, bascule durant les années 2000 dans le tourisme de masse; le développement rapide des infrastructures, capacité hôtelière, routes, nouvel aéroport international… s’accompagne d’une augmentation exponentielle du nombre de visiteurs, de 185000 visiteurs en 2000 à plus de deux millions dès 2011.
Si la région d’Angkor est surtout connue pour ses temples, elle possède également une très belle campagne. En quelques kilomètres au-delà de Siem Reap, on se retrouve plongé dans un autre Cambodge, plus authentique, dans des paysages parsemés de rizières ou sur les rives du Tonle Sap.
Vers le sud de la province, on arrive sur les rives du lac Tonle Sap, le plus grand lac d’eau douce d’Asie du Sud Est, qui présente un système hydrologique unique au monde combinant le lac et la rivière Tonle Sap. À la saison des pluies, le courant du Mékong en crue ne parvient plus à s’écouler dans la mer et se déverse en partie dans la rivière Tonle Sap, dont le cours s’inverse alors pour remonter vers le lac, multipliant sa superficie par six, inondant la plaine et les forêts voisines. Le sud de la province de Siem Reap est touché par ce phénomène qui a façonné les croyances et le mode de vie local, centré sur l’eau.
Voici la description du Tonle-Sap que nous livre Pierre Loti dans Un pélerin d'Angkor en 1901: "Et puis, sur le tard, les eaux s'élargissent, tellement que nous ne voyons plus les rives: nous entrons dans le lac immense, formé ici chaque année, après la saison des pluies, par le puissant fleuve qui périodiquement inonde les plaines basses du Cambodge et une partie des forêts du Siam. (...) Sur le lac, grand comme une mer, voici le lever du soleil. Et en quelques minutes tout se colore.(...) A l'horizon de l'Est, une espèce de moutonnement vert se prolonge sans fin, toujours semblable à lui-même: grands arbres, qui baignent jusqu'aux branches et dont les dômes seulement émergent encore. Ce n'est qu'un faux rivage, puisque sous la verdure le lac ne cesse de s'étendre à d'imprécises distances; ce n'est que la limite des eaux plus profondes, où la végétation perdrait pied. Trente lieues, quarante lieues de forêt noyée défilent ainsi, tant que dure notre course paisible vers le Nord. Zone immense, inutilisable en cette saison pour l'homme, mais réservoir prodigieux de vie animale; ombrages pleins d'embûches de guets-apens, de griffes, de becs féroces, de petites dents venimeuses, de petits dards aiguisés pour les piqûres mortelles. Des ramures plient sous le poids des graves marabouts au repos; des arbres sont si chargés de pélicans que, de loin, on les croirait tout fleuris de grandes fleurs pâlement roses."
2 500 personnes vivent dans le village sur pilotis de Kompong Phluk, essentiellement de la pêche et selon un mode de vie réglé par le Tonle Sap. Depuis Siem Reap, il faut naviguer environ une heure sur un canal avant de déboucher sur le lac et parvenir jusqu’au village. Là, avec une embarcation plus petite, on peut circuler dans les rues devenues des canaux. L’aspect et la vie du village changent totalement selon les saisons et le niveau de l’eau.
A la saison des pluies, l’eau envahit le village et ses rues; on vit alors dans la partie haute des maisons en bois sur pilotis. La pagode, construite sur une butte de terre qui constitue le centre-ville, reste alors l’unique édifice sur la terre ferme. Quand l’eau se retire, on redescend au rez-de-chaussée, les rues ocres rouges deviennent poussièreuses, on s’abrite d’un soleil de plomb et d’une chaleur étouffante à l’ombre des hautes maisons sur pilotis qui bordent désormais les rues. Quand le lac et le sol s’assèchent, on préfère au village de petites cabanes temporaires au bord de l’eau.
Le parc de Prek Toal, situé à une quinzaine de kilomètre de Siem Reap, est la plus grande réserve ornithologique d’Asie du Sud-Est. Elle couvre 21000 ha et des milliers d’oiseaux viennent y chercher leur nourriture, le Tonle Sap étant un des lacs plus poissonneux du monde, et s’y reproduire. La plus forte concentration s’observe à la saison saison sèche, de novembre à mars, quand les eaux du Tonle Sap inondent la forêt. Une quinzaine d’espèces menacées, quasiment disparues d’Asie du sud-est, trouvent refuge ici: Grand et Petit Marabout, Ibis à tête noir, Pelican à bec tâchet... La taille de certaines grandes espèces est impressionnante, notamment le Grand Marabout dont la hauteur peut atteindre 1,60m...
Car Siem Reap est devenue une destination touristique internationale et très populaire, emportée depuis les années 2000 dans un développement rapide et anarchique qui a défiguré la ville et ses alentours, envahis par un grand nombre d’hôtels et de constructions sans âme. Seule la vieille ville a conservé un certain charme par son architecture mêlant styles chinois et colonial, notamment dans le quartier français et autour de l’ancien marché… sans échapper cependant aux flots de touristes qui peuvent parfois rendre difficile à apprécier la ville et les temples.
Origine et histoire de Siem Reap
Le nom de Siem Reap, littéralement «défaite siamoise», se réfère au conflit séculaire entre les empires siamois et khmer. Plus précisément, ce nom fait référence à la bataille victorieuse de 1549 au cours de laquelle le roi khmer Ang Chan tua le prince siamois Ong, capturant également 10000 guerriers de l'armée siamoise. La région avait été envahie un an plus tôt par le roi de Siam Maha Chakrapat qui la reperdit lors de cette contre-offrensive militaire. Par la suite, de la fin du seizième au dix-neuvième siècle, les querelles internes ont affaibli l’empire khmer et entraîné la domination des voisins plus puissants, le Champa et le Siam.
Redécouverte d’Angkor
A l’arrivée des Français à la fin du dix-neuvième siècle, Siem Reap ressemble plus à un village qu’à une ville. En 1901, l’École française d’Extrême-Orient entreprend les premiers travaux de restauration du temple du Bayon, avant de recevoir la responsabilité du site d’Angkor en 1907, quand la province de Siem Reap, sous contrôle siamois depuis plus d’un siècle, est rétrocédée au Cambodge.
Cependant, considérer qu’Angkor a été "sauvé" de la jungle est un point de vue qu’il faut nuancer, comme le mythe de sa découverte par l’occident, largement instrumentalisé dans le contexte d’expansion coloniale du 19e siècle. En effet, Angkor Vat était largement connu des khmers et était resté un haut-lieu de pèlerinage bouddhique. Le récit de la "découverte" d’Angkor en 1860 par le naturaliste Henri Mouhot au bout de son coupe-coupe alors qu’il était à la recherche de scarabée a du faire rire les habitants du village voisin de Siem Reap et relève davantage de la fiction que d'une quelconque réalité historique. Les photographies d'Angkor d'Emile Gsell en 1866 ne montrent pas Angkor Vat émergeant d'une jungle épaisse, les chaussées d'accès sont dégagées et on peut également apercevoir des cabanes qui attestent de l'occupation du site.
L’Angkormania et le premier essor touristique
Dès le début du 19e siècle, les touristes arrivent à Angkor et le Grand Hôtel d’Angkor ouvre ses portes en 1929. Les images et récits sur ces temples pris dans la jungle fascinent les occidentaux. En 1931, «l’Angkormania» domine l’exposition universelle de Paris en 1931, à travers notamment une reconstitution du temple d’Angkor Vat qui attire une foule avide d’exotisme. Les temples d’Angkor deviennent et resteront une des principales destinations touristiques en Asie jusqu’à la fin des années 1960.
Reproduction d'Angkor Wat à l'exposition universelle de 1931 |
En 1975, les Khmers rouges arrivent au pouvoir et la population de Siem Reap, comme celle des autres villes du Cambodge, est totalement évacuée, déportée dans les campagnes. Après quatre années de pouvoir, les Khmers Rouges laissent en 1979 un pays dévasté. Mais ce ne sera pas pour autant la fin du cauchemar pour les Cambodgiens. Jusqu’au début des années 90, l’histoire de la région et du Cambodge reste troublée par les guerres et les conflits.
Siem Reap aujourd’hui: le tourisme de masse
Siem Reap se réveille lentement dans les années 90 et les touristes reviennent progressivement: dès 1992, 40000 étrangers visitent Angkor; en 1996, ce chiffre avoisine 150000, soit environ 60% des 250000 entrées enregistrées par les services d’immigration cambodgiens. Dans un Cambodge ruiné, le tourisme apparaît comme un vecteur de profits faciles et rapides à court terme. Avec une stabilité retrouvée, les capitaux, surtout étrangers, affluent à Siem Reap, ville jouxtant le complexe archéologique.
Ces investissements précipiteront la ville dans un développement touristique sans précédent, illustré par des chiffres qui donnent le vertige. Le nombre de chambres de Siem Reap est décuplé entre 1996 et 2005, passant d’environ 700 à plus de 8000, et la ville dispose aujourd’hui de plus de 320 hôtels, parfois gigantesques, et maisons d’hôte pour accueillir des flots de touristes toujours plus importants.
Siem Reap, principale attraction touristique du Cambodge, bascule durant les années 2000 dans le tourisme de masse; le développement rapide des infrastructures, capacité hôtelière, routes, nouvel aéroport international… s’accompagne d’une augmentation exponentielle du nombre de visiteurs, de 185000 visiteurs en 2000 à plus de deux millions dès 2011.
Au-delà des temples d'Angkor, une province à découvrir
Si la région d’Angkor est surtout connue pour ses temples, elle possède également une très belle campagne. En quelques kilomètres au-delà de Siem Reap, on se retrouve plongé dans un autre Cambodge, plus authentique, dans des paysages parsemés de rizières ou sur les rives du Tonle Sap.
Le lac Tonle Sap
Voici la description du Tonle-Sap que nous livre Pierre Loti dans Un pélerin d'Angkor en 1901: "Et puis, sur le tard, les eaux s'élargissent, tellement que nous ne voyons plus les rives: nous entrons dans le lac immense, formé ici chaque année, après la saison des pluies, par le puissant fleuve qui périodiquement inonde les plaines basses du Cambodge et une partie des forêts du Siam. (...) Sur le lac, grand comme une mer, voici le lever du soleil. Et en quelques minutes tout se colore.(...) A l'horizon de l'Est, une espèce de moutonnement vert se prolonge sans fin, toujours semblable à lui-même: grands arbres, qui baignent jusqu'aux branches et dont les dômes seulement émergent encore. Ce n'est qu'un faux rivage, puisque sous la verdure le lac ne cesse de s'étendre à d'imprécises distances; ce n'est que la limite des eaux plus profondes, où la végétation perdrait pied. Trente lieues, quarante lieues de forêt noyée défilent ainsi, tant que dure notre course paisible vers le Nord. Zone immense, inutilisable en cette saison pour l'homme, mais réservoir prodigieux de vie animale; ombrages pleins d'embûches de guets-apens, de griffes, de becs féroces, de petites dents venimeuses, de petits dards aiguisés pour les piqûres mortelles. Des ramures plient sous le poids des graves marabouts au repos; des arbres sont si chargés de pélicans que, de loin, on les croirait tout fleuris de grandes fleurs pâlement roses."
Pêcheurs sur le Tonle Sap |
Le village lacustre de Kompong Phluk
A la saison des pluies, l’eau envahit le village et ses rues; on vit alors dans la partie haute des maisons en bois sur pilotis. La pagode, construite sur une butte de terre qui constitue le centre-ville, reste alors l’unique édifice sur la terre ferme. Quand l’eau se retire, on redescend au rez-de-chaussée, les rues ocres rouges deviennent poussièreuses, on s’abrite d’un soleil de plomb et d’une chaleur étouffante à l’ombre des hautes maisons sur pilotis qui bordent désormais les rues. Quand le lac et le sol s’assèchent, on préfère au village de petites cabanes temporaires au bord de l’eau.
Album photo de Kompong Phluk |